En Europe, près de 90 salles de consommation à moindre risque ont déjà ouvert leurs portes. En Belgique ? Aucune… Mais la Ville de Liège pourrait être la première à en ouvrir une dans les mois qui viennent, peut-être suivie d’autres villes wallonnes.
Les salles de consommation de drogues à moindre risque dans lesquelles des drogues illicites peuvent être consommées sous la supervision de personnel qualifié, existent en Europe (et notamment en France, au Luxembourg, aux Pays-Bas et en Allemagne) depuis une trentaine d’années.
Ces salles, plus communément appelée salle de “shoot”, poursuivent notamment les objectifs suivants :
- réduction des risques de transmission de maladies ;
- prévention des décès par overdose ;
- mise en relation des usagers de drogues avec les services de soins er de prise en charge.
Dans les années 1980, différentes initiatives axées sur la réduction des risques sanitaires associés à l’injection de drogues voyaient le jour : interventions sur le terrain, prévention par les pairs, promotion de la santé, fourniture de matériel d’injection stérile, etc.
Une de ces mesures, à savoir la mise à disposition d’espaces destinés à la consommation de drogues à moindre risque, a suscité la polémique… Incitation à l’usage de drogues ? Entrée tardive dans un processus de traitement ? Augmentation du trafic illicite ?
Et pourtant, aujourd’hui, on dénombre déjà un peu plus de 90 salles de consommation à moindre risque en Europe.
A l’origine, ces salles de consommation ont été mises en place afin de répondre à des problèmes de santé ou d’ordre public liés à la consommation de drogue dans les espaces publics et des lieux de vente dans des villes où il existait déjà un réseau de services spécialisés, mais où les interventions étaient difficiles.
Aujourd’hui, les salles de consommation de drogues sont des structures de soins de santé encadrées par du personnel qualifié, qui permettent aux usagers de drogues de consommer dans des conditions plus sûres.
Elles sont généralement situées dans des environnements confrontés aux nuisances en lien avec la consommation ; et répondent aux besoins de sous-groupes d’usagers disposant de peu de peu de possibilités d’injection dans des conditions d’hygiène acceptables.
En Europe, il existe 3 modèles de salle de consommation de drogues :
- Intégré. Dans ce modèle de nombreux services sont proposés : supervision de la consommation, mise à disposition de douches et de vêtements, de matériel de prévention (préservatifs et conteneurs pour seringues usagées), des conseils et un traitement ad-hoc.
- Spécialisé. Ces salles se limitent à des services en lien direct avec la consommation supervisée : matériel d’injection stérile, conseils en matière de santé et de sécurité, intervention médicale en cas d’urgence.
- Mobile. Ces salles mobiles (actuellement à Barcelone et Berlin) ne permettent pas d’accueillir autant d’usagers que les structures fixes.
Suite à différents travaux de recherche effectués dans différentes villes, il est possible de conclure que ces salles de consommation à moindre risques peuvent améliorer les conditions de sécurité et d’hygiène lors de l’usage de drogue ; qu’elles augmentent le recours aux services sociaux-sanitaires ; et qu’elles réduisent non seulement la consommation de drogues dans les espaces publics, mais aussi les nuisances qui en résultent.
Ces services ont davantage tendance à faciliter qu’à retarder l’entrée en traitement et n’entraînent pas d’augmentation locale du taux de criminalité liée à la drogue.
En Belgique aussi les grandes villes sont confrontées à la toxicomanie et à ses effets. Et pourtant, la loi du 24 février 1921 punit d’une peine d’emprisonnement et d’une amende “ceux qui auront facilité à autrui l’usage à titres onéreux ou à titre gratuit, soit en procurant à cet effet un local, soit par tout autre moyen, ou qui auront incité à cet usage” . La législation est donc très claire sur le sujet.
Une proposition de résolution visant la mise en place, encadrée, d’expériences pilotes de dispositifs intégrés pour réduire les risques liés aux assuétudes et à la toxicomanie dans les grandes villes wallonnes a été adoptée à l’unanimité, le 24 avril dernier, en commission du Parlement de Wallonie. Une première expérience pilote pourrait donc être mise en oeuvre assez rapidement à Liège.
Parallèlement à cette proposition de résolution, différentes campagnes se mobilisent pour une modification de la législation autour de la drogue !
→ La campagne #STOP1921, soutenue par différentes associations, souhaite sensibiliser le législateur et l’opinion publique à la nécessité de remettre en question la politique de prohibition des drogues, vieille de cent ans et dont les effets sont désastreux, notamment en matière de santé publique et d’engorgement du système judiciaire.
→ la campagne mondiale “Support Don’t Punish” vise à promouvoir des politiques des drogues qui mettent la priorité sur la santé et les droits humains. Un évènement est prévu à Bruxelles le samedi 23 juin pour soutenir la campagne et une autre politique drogue en Belgique. Infos.
Sources
- Salles de consommation de drogues : un aperçu de l’offre et des réalités – Observatoire européen des drogues et des toxicomanies
- La réduction des risques pour les usagers de drogues, une stratégie complémentaire en promotion de la santé – Education Santé n°355, Mai 2018.
- Le Parlement Wallon favorable aux salles de consommation à moindre risque – rtbf Info, 24 avril 2018.
Liens utiles
- Salles de consommation à moindre risque : une tentative de réponse pragmatique à un phénomène multi-factoriel – Résumé de la présentation de François Baufay de la Fedito Bxl.
- Etude de faisabilité des salles de consommation à moindre risque en Belgique – Etude BELSPO réalisée avec l’Université de Gand et l’Université Catholique de Louvain, 2018.
- Salles de consommation de drogues : un aperçu de l’offre et des réalités – Observatoire Européen des Drogues et des Toxicomanies.