La contraception masculine
Penser sa contraception, c’est une manière de prendre ses responsabilités, de décider de ce que l’on désire. La meilleure contraception étant d’ailleurs celle que l’on choisit pleinement. Si au départ la pilule contraceptive a rendu les femmes plus libres, en leur donnant en partie un contrôle sur la grossesse, elle les a aussi soumises à toute une série d’effets secondaires et de charges mentales diverses.
En 2023, la gestion de sa fertilité est encore majoritairement une affaire de femmes. Les hommes, pourtant fertiles 24h/24, 7j/7 tout au long de leurs vies sont rarement voire jamais investis dans cette question de base dont les risques impliquent pourtant les 2 sexes. Les clichés ont d’ailleurs bon dos lorsqu’il s’agit d’associer « masculinité » et contraception : « un homme n’est pas capable d’’assumer ce rôle », « je ne tombe pas enceinte donc je ne m’en occupe pas ». Des clichés sous-estimant finalement la responsabilité qu’implique le fait de devenir (ou de ne pas devenir) père par rapport à celle de devenir mère.
Et si des hommes souhaitaient s’impliquer, prendre en charge leur fertilité ?
Nous avons posé la question à un jeune couple de 25 et 27 ans : Charline et Lucas (noms d’emprunt). Ensemble depuis 5 ans, ils ont récemment opté pour un moyen de contraception dite « masculine ».
« Je n’ai pas le droit de forcer ma copine à continuer quelque chose qui ne lui convient pas et je n’ai pas envie de faire l’amour avec des préservatifs donc pourquoi pas être en charge de la contraception. »
Pour l’instant, quelques méthodes sont fiables et validées, tandis que d’autres doivent encore être testées et étudiées, la science étant très à la traîne sur ce sujet souvent tabou. Le souhait de Lucas serait d’ailleurs « que les recherches avancent et que ce soit un moyen reconnu et proposé à tous plutôt que de partir du principe que la femme va prendre la pilule pendant 35 ans. ».
Or, c’est bien souvent ce qu’il se passe, les budgets alloués à la recherche sont quasi inexistants. Parmi les raisons expliquant ce constat : un parti pris de la science quant au désintérêt soit-disant évident des hommes pour se contracepter et des effets secondaires trop nombreux et pourtant similaires à ceux ressentis par des femmes (acné, maux de tête, changements d’humeur, baisse de la libido, …).
« Une étude commanditée par l’OMS justifie ainsi la décision de ne pas mettre sur le marché un nouveau contraceptif masculin hormonal en raison d’effets secondaires subis par vingt hommes… sur 320. Les effets secondaires cités sont pourtant comparables à ceux subis par les femmes, ce qui pose par ailleurs la question de la hiérarchisation sexuée de la santé, à court ou long terme. » (STEVELINCK, Education santé, 2019).
En moyenne 35 ans contraceptées
En moyenne 35 ans contraceptées et une charge mentale qui commence même bien avant les premiers rapports sexuels pour la plupart des femmes. Dès l’enfance, les mœurs et stéréotypes genrés (bien qu’ils tendent doucement à évoluer) imposent souvent aux jeunes filles de « faire plus attention » une fois les premières règles arrivées, comme si d’emblée la prise de risques mais aussi la question du plaisir n’étaient pas partagées ni partageables. Cette charge souvent dite « mentale » est d’ailleurs aussi financière, horaire et morale :
- le budget alloué à l’achat d’une contraception est rarement voir jamais partagé dans les couples.
- la prise d’une contraception et/ou la pose d’un contraceptif oblige la prise de rendez-vous médicaux qu’il faut prévoir dans son emploi du temps ; la prise d’une pilule impose une organisation quotidienne pour éviter un oubli.
- le poids de la charge mentale d’une telle responsabilité peut affecter moralement la personne concernée dans son quotidien (effets secondaires multiples tant physiques que psychologiques, baisse de la spontanéité possible dans ses relations intimes, …)
Focus sur les méthodes thermiques
Soyons clairs, l’offre disponible en matière de contraception masculine est limitée. 40 ans de débats et de promesses d’avancées de la recherche n’auront pas suffi à étoffer les possibilités, notamment en matière de contraception hormonale. Le corps médical, souvent peu au courant, a lui aussi son rôle à jouer pour déconstruire les stéréotypes genrés liés à la contraception et offrir de l’information fiable.
Charline et Lucas ont eux opté pour L’AndroSwitch® :
« C’est un anneau à placer autour du pénis, 15h/jour, pour faire remonter les testicules ce qui augmente la température de leur environnement et empêche le bon développement des spermatozoïdes. J’ai été voir ma généraliste pour lui en parler (il faut faire au moins 2 spermogrammes qui doivent être prescrits), elle ne connaissait pas ce moyen de contraception, mais m’a prescrit les deux tests. »
Ce type de méthode dit « thermique » est réversible mais nécessite une vérification tous les trois mois la première année d’utilisation avec un spermogramme (check du nombre de spermatozoïdes dans le sperme). Outre l’anneau, il existe également (O’YES ASBL, 2021) :
- Le slip “Remonte-Couilles Toulousain” dont le fonctionnement est similaire à l’anneau thermique.
- Le slip chauffant SpermaPause®, un caleçon avec une compresse thermique qui réchauffe les testicules à 41°c. Il doit être porté environ 3h/jour. Cette méthode semble réversible mais n’a été que peu étudiée. À nouveau, l’objectif de ce type de méthode est de rendre inactifs les spermatozoïdes en raison d’un environnement « plus chaud ».
À ce jour, le slip « remonte couilles » doit être fabriqué à la main (en se basant sur des tutoriels sur internet). Les anneaux Androswitch et le slip SpermaPause sont disponibles en ligne. Il n’y a donc pas encore de commercialisation « officielle » en pharmacie, soulignant encore un peu plus le désintérêt des firmes pharmaceutiques sur le sujet…
Les méthodes décrites ci-dessus ne protègent évidemment pas des IST. Le préservatif externe reste le seul contraceptif dit « masculin » qui permet une double protection : contre une grossesse non désirée et contre les IST. De plus, aucune étude n’a permis pour l’instant de vérifier l’impact des contraceptions thermiques sur la fertilité au-delà de 4 ans d’utilisation (O’YES ASBL, 2021). Pour Charline et Lucas, il s’agit d’un moyen provisoire pour 4 années, avant disent-ils, de trouver une meilleure solution.
Quand on lui demande d’évaluer l’impact de l’anneau thermique sur son quotidien, Lucas nous répond :
« Ma charge mentale est faible, il ne faut juste pas oublier de le remettre quand on l’a enlevé. Ma charge horaire est moyenne, il faut que l’anneau soit porté au moins 15 heures dans les dernières 24 heures. Au début ça demande un peu de prévision mais maintenant je l’oublie la plupart du temps et l’enlève pour mon sport ou de temps en temps. De plus, ça prend 3 mois avant d’être efficace (spermogramme avant et après les 3 mois pour assurer le bon fonctionnement sur le patient). Ma charge financière est faible, on a acheté deux anneaux pour avoir un remplacement après 2 ans. Une option est d’en acheter un d’une taille inférieure si on veut en mettre un pendant le sport. »
Vers l’équité contraceptive ?
Bien qu’ils soient encore peu nombreux, des hommes ont décidé de s’impliquer, de prendre en charge leur fertilité. Certains ont même choisi de militer pour l’équité contraceptive.
En attendant, en Belgique, « Une femme sur deux se dit seule à décider de la contraception de son couple et 87% des femmes payent personnellement leur contraceptif » (STEVELINCK, Education santé, 2019). Il est pourtant toujours possible de s’impliquer, même lorsque l’on ne prend pas soi-même de contraception, partager les risques, c’est aussi une question de volonté. Par exemple :
- En proposant un partage équitable des frais
- En s’investissant dans le rappel quotidien à son/sa partenaire
- En allant acheter la contraception de son/sa partenaire de temps en temps (ou tout le temps) et en vérifiant les « stocks » restant
- En accompagnant son/sa partenaire à ses rendez-vous médicaux
- En abordant le sujet avec son/sa partenaire
- …
On a toutes et tous un rôle à jouer pour aboutir à une réelle liberté contraceptive, où la contraception ne serait pas seulement « qu’une affaire de femmes ». Parlons-en !
Ressources
Pour en savoir plus sur la contraception masculine et l’offre existante :
Découvrez la contraception masculine. (2022). Thoreme. http://www.thoreme.fr
O’YES ASBL. (2021). Mon contraceptif. https://www.mescontraceptifs.be/
O’YES ASBL. (2023). Contraception dite masculine. O’YES ASBL Safe Sex and Fun. https://www.o-yes.be/contraception-dite-masculine/
9ème art et contraception :
Daudin, G., & Jourdain, S. (2021). Les contraceptés : Enquête sur le dernier tabou. Steinkis.
Pour approfondir le sujet :
Grande enquête contraception. (2017). Institut Solidaris. Consulté le 25 septembre 2023, à l’adresse https://www.institut-solidaris.be/index.php/enquete-contraception/
O’YES ASBL. (2020). La contraception masculine, on en parle ? – Éducation santé. Éducation Santé. https://educationsante.be/la-contraception-masculine-on-en-parle/
STEVELINCK, L. (2019). Contraception : où sont les hommes ? – éducation santé. Éducation Santé. https://educationsante.be/contraception-ou-sont-les-hommes/
Pour rire un peu tout en s’éduquant :
Yes vous aime. (2021, 26 octobre). La contraception masculine, vous connaissez ? – broute – CANAL+ [Vidéo]. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=yRvukqkfLr4